“L’ambition selon Inès”, mon roman brestois sur les stars et la radio (version intégrale gratuite sur Wattpad)

Voici mon premier (et unique roman) autour d’une thématique qui m’est chère, la radio associative.

Florent Girard, animateur vedette d’une radio musicale parisienne est licencié après une malheureuse émission. Le voici à Brest quelques mois plus tard, sur une petite station locale qui ne cherche pas l’audience à tout prix. Il retrace sa reconversion à la charmante Inès. Cette reporter coriace d’un journal people, venue écrire son portrait comprendra-t-elle l’obsession de Florent à ne plus courir après la gloire et l’argent ? Qui sortira gagnant de ce tête-à-tête aux multiples rebondissements ?

Ce texte se termine en une heure. Je l’ai peaufiné au gré de mes envies, avec la musique du site de musique en streaming Qobuz entre les oreilles (des trucs que forcément, personne n’écoute…) Et puis l’histoire se déroule à Brest… Alors, un grand merci pour vos retours, et vos partages sur les réseaux sociaux !

Découvrez le premier chapitre !

Avril 2022

En contrebas du sentier, la mer furieuse croquait les dunes à l’envi. Le site de la météo n’avait pas péché par optimisme. Le climat se déréglait, Dame Nature reprenait ses droits, filait une raclée à l’homme. Le littoral garderait des stigmates pendant un temps infini.

Cette réflexion apocalyptique l’accompagna sur le chemin vers la longère. Ce qui poussait Florent à accélérer n’était pas la fièvre de la rejoindre, mais plutôt la pluie cinglante qui lui raturait le visage sous la lumière brouillée des réverbères. Il avait tellement hâte de se mettre au sec !

C’est la maison qui se trouve juste après le centre nautique. Vous ne pourrez pas vous tromper, lui avait précisé Inès par texto.

À peine avait-il ôté son index de l’interphone qu’une voix grésillante surgissait du haut-parleur. Le choc des talons sur le gravier s’intensifia. Le portail, en s’entrebâillant, dévoila un nez en trompette sous un parapluie jaune.

– Quelle aubaine de vous rencontrer ! se pâma la jeune femme en lui croquant la main. Vous auriez pu vous garer devant la maison, plutôt que sur le parking du centre de voile…

Bien sûr, grogna-t-il intérieurement, et comment je me repère dans la bruine ?

– Avec cette flotte, je n’y voyais pas grand-chose, à vrai dire.

Sans parler de mes chaussettes, rincées…

Cet épisode passa vite à la trappe, son attention se focalisant sur les adorables petites fesses qui se découpaient sous le jean moulant.

Une fois dans la longère, Inès s’empara de son blouson pour le suspendre face au feu.

– J’ai fait couler du café, ça vous dit ?

C’est la moindre des choses, quand on vient de prendre la douche de l’année, eut-il l’élégance de ne pas laisser paraître.

– J’ai démarré aux aurores, voilà qui me fera le plus grand bien.

– Vous pouvez vous asseoir ici, suggéra-t-elle en désignant du doigt un fauteuil club érodé par le temps.

Une armoire cossue, une table paysanne et un fût réincarné en bar renforçaient le pittoresque de l’endroit, sous des poutres blanches et rustiques.

– C’est sympa chez vous. Chaque objet est à sa place, commenta Florent avec une rassurante attention.

– J’adore les vieux objets. Je fréquente régulièrement les puces et ne rentre jamais bredouille. Tenez, les montres, j’en possède une jolie collection, vous avez vu celle-ci ?

Inès lui présenta son bras gauche. Une Cartier en or jaune sublimait son poignet. Il réclama de lui tenir la main pour s’en faire une idée précise, mais elle esquiva.

– Elle m’a été offerte en remerciement d’un article. J’ai aussi des parfums de la marque.

– Le papier était sans doute flatteur, réagit-il avec la même désinvolture.

– On ne me corrompt pas facilement, mais si c’est gratuit et luxueux, pourquoi voudriez-vous que je refuse ? Savez-vous à quel tarif elle se négocie sur eBay, cette montre ? Plus de dix mille euros !

Florent insista pour connaître l’heureux élu.

– Ouvrez grand vos oreilles, prévint-elle depuis la cuisine. C’est un acteur, qui a plus de quatre-vingts ans. Il ne s’est jamais marié, n’a pas d’enfant légitime. Il est extrêmement généreux avec les œuvres de protection des animaux. La presse s’en est d’ailleurs fait l’écho, il y a peu. Si avec ces éléments, vous ne trouvez pas, c’est qu’on vous a siphonné le cerveau !

Inès refusa de citer des films dans lesquels le type avait donné la réplique. Elle ne s’enorgueillit pas non plus de la nature de leurs relations. Le chantage sexuel étant une chose fréquente dans le show-biz, il ne serait pas absurde qu’elle se soit laissée convaincre par ce vieux porc, présuma Florent.

Il lui suggéra des noms, mais elle prit un malin plaisir à le menacer.

– J’ai deux options pour l’article. Soit balancer le parcours d’un animateur radio intègre, soit celui d’une pourriture. Que m’offrirez-vous, en récompense de votre portrait dans Golden People ?

Jouer aux devinettes avec la belle Inès s’avéra vite périlleux. Il se demanda dans quel piège il s’était encore fourré.

– Je n’ai rien à me reprocher, que la presse et mon entourage ne sachent déjà.

– À votre aise. Nous avons deux heures pour faire la lumière sur votre passé. N’omettez aucun détail, surtout ! renchérit-elle en dressant une assiette de biscuits à hauteur de ses lèvres.

Elle croqua dans l’un d’eux, pour chasser sa méfiance.

– Ils ne sont pas empoisonnés. J’ai encore besoin de vous.

Florent se laissa tenter, en dépit d’une évidente crispation.

– Rien ni personne ne sera jamais assez puissant pour me faire parler sous la contrainte, affirma-t-il tout bas.

Puis la grêle s’invita dans la cour, dissipant chez lui toute velléité de départ.

– Pour ce tarif, claironna Inès, j’aurais pu louer une minuscule chambre à l’hôtel, le long d’une avenue bruyante. Ce gîte est bien plus agréable, vous n’êtes pas d’accord ?

– C’est… charmant. Si cette maison est à votre goût, alors tant mieux, trouva-t-il à répondre, avant qu’elle n’exprime avec vanité que le journal lui devait bien cette faveur, vu l’oseille que ses articles rapportaient.

Elle se cala dans le deuxième fauteuil face à lui, et enchaîna sur Jim Dupuy, le paparazzi le plus détesté des people.

– Demain matin, il vous tirera le portrait sur votre lieu de travail, histoire d’être dans le contexte, comme on dit.

Florent ignorait qu’il avait repris du service, après ses multiples condamnations.

– On s’est régulièrement vu à Paris, dans des soirées mondaines. Dupuy, je ne l’apprécie pas vraiment.

– C’est à cause de Clara ?

– Oui, elle a eu maille à partir avec lui. Son agence a gagné deux fois en justice contre Golden People après la publication d’images de prétendues liaisons, mais c’était avant qu’on se fréquente.

Inès se flatta que son journal ait payé les frais de procédure, les amendes et les dommages et intérêts. Elle lui assura que Jim était leur meilleur photographe et admit, non sans hésitation que les histoires de cul constituaient le ciment de la ligne éditoriale. Quand elle lui ordonna de ne pas profiter de la rencontre du lendemain pour régler leurs différends, Florent éclata de colère.

– Savez-vous combien de fois mon ex a fait la Une de Golden People ? Pouvez-vous me dire à combien d’exemplaires vous le vendiez votre torchon, grâce à la publicité qu’on vous servait gratuitement dans notre revue de presse à la radio ?

– Calmez-vous ! temporisa la journaliste. Votre bonne humeur à l’antenne n’a pas sauvé l’humanité, que je sache.

Florent fit son mea culpa. Inès laissa entendre sur le même ton condescendant qu’il devait se sentir bien seul depuis son éviction de ZicMu et la fuite de Clara du domicile conjugal.

– Qui vous a dit que c’était fini entre nous ? Aucun journal n’en a parlé !

– J’ai une bonne copine à Paris. Éva Tracy. Ce nom ne vous est pas inconnu !

La jeune femme lui donna des nouvelles de la chanteuse.

– Son dernier album figure dans le top ten des ventes de disques, et c’est grâce à vous.

Sentant Florent de plus en plus agité, elle l’intima de lui pardonner son arrogance et lui précisa l’angle du portrait.

– Mes lectrices affectionnent les stars tombées dans l’anonymat. C’est pourquoi je voudrais vous remettre sur le devant de la scène.

Il tenta une sortie en douceur.

– Que ce soit clair entre nous, Inès. J’ai tiré un trait sur mon passé d’animateur radio à Paris. Je ne fais plus parler les célébrités sur ZicMu, et elles ne me réclament pas, d’ailleurs. Je me fiche qu’on se souvienne de moi. En revanche, si mon témoignage peut aider les gens à connaître les dessous du star-system, posez-moi les questions que vous voulez, j’y répondrai sans détour.

Une rangée de dents impeccablement alignées révéla un sourire envoûtant.

– Mettez-moi des étoiles dans les yeux, Florent ! J’ai hâte de savoir comment vous avez séduit Clara !

Morceaux choisis…

Puis vint le crépuscule. L'astre orange, avant de fondre dans le goulet comme une boule de glace sema sur la rade des millions d'étoiles. Telles des mèches enflammées sur un gâteau de fête, les lampes des voitures et des éclairages publics embrasèrent les maisons, griffant les façades. L’esquisse d’une nouvelle aventure, pour ses yeux éblouis.

La pétillante fouille-merde le félicita au contraire, de rendre hommage aux personnes qui font de jolies choses dans leur coin. Ne le blâmait-elle pas, un peu plus tôt, d'être à la botte des stars ?

– Le dérapage avec Éva et Romain t’a permis de fuir ta cage de cristal, de faire émerger des valeurs enfouies depuis toujours. Tu sais quoi, Florent ? Mes lectrices vont adorer !

– Regarde, dit Anna en broyant ses phalanges, Inès a fini de se baigner ! On dirait une sirène, tu ne trouves pas ?

Elle avait le nez en trompette, un ventre rebondi et de petites fesses galbées. Des boucles brunes tombaient sur ses épaules.

– Est-ce que tu as déjà fait naufrage, toi ?


Christophe Pluchon

Journaliste radio sur RCF Finistère (ex Radio Rivages) et RCF Bretagne, collaborateur pour le réseau de femmes entrepreneuses "Femmes de Bretagne" et pour le magazine "Pages de Bretagne" de l'Établissement Public de Coopération Culturelle "Livre et Lecture en Bretagne". J'adore la radio et surtout le reportage, je préfère les galettes aux crêpes de blé noir, je lis des ebooks et je réécoute les vinyles de mon adolescence.

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